Des constats « alarmants » : le grand blues des salariés des banques
Publié le 4 Mars 2025
Un salarié sur deux estime ne pas avoir les moyens nécessaires pour réaliser un travail de qualité et ressent une absence de reconnaissance professionnelle. (iStock)
Le spleen n'est pas seulement hivernal pour les salariés de la banque. Depuis plusieurs années déjà, le moral de la profession est en berne, et cela ne s'arrange pas, selon une étude réalisée fin 2024 par le Syndicat national de la banque et du crédit (SNB) avec l'aide du cabinet Sextant.
Quelque 9.616 adhérents ont répondu à cette enquête triennale sur les risques psychosociaux dans la banque, un nombre record de participants depuis son lancement il y a quinze ans, et un taux en hausse de 30 % par rapport à la précédente édition.
Épuisement professionnel, reconnaissance et sens du travail, relation avec les clients, contraintes d'organisation : tous les voyants sont au rouge.
Les personnes interrogées dressent « des constats alarmants pour la santé des salariés du secteur bancaire ». Près de 44 % des répondants présentent un risque élevé ou très élevé de burn-out, bien au-dessus des niveaux observés dans d'autres secteurs, pointe l'étude. De son côté, la Fédération bancaire française (FBF) conteste une telle enquête qui s'appuie « sur moins de 4 % de répondants générant de facto des biais importants. »
Un salarié sur deux estime ne pas avoir les moyens nécessaires pour réaliser un travail de qualité et ressent une absence de reconnaissance professionnelle. L'intensité et le temps de travail ressort comme un facteur de risque prépondérant avec une exposition très élevée à de nombreuses problématiques (complexité du travail, rythme de travail, interruption de tâches, etc.). Les répondants de la Société Générale sont ceux qui présentent les résultats les plus dégradés tandis que ceux du Crédit Mutuel sont les mieux lotis.
Les promesses d'efficacité et de simplification se heurtent à une réalité d'augmentation des charges administratives et de baisse des moyens humains
Syndicat national de la banque et du crédit (SNB)
« Les transformations organisationnelles et technologiques, flex office, réduction des effectifs, digitalisation des services, pèsent lourdement sur les salariés. Les promesses d'efficacité et de simplification se heurtent à une réalité d'augmentation des charges administratives et de baisse des moyens humains, faisant des salariés la 'variable d'ajustement' du secteur », regrette le SNB.
« D'un côté les nouvelles technologies sont venues alléger le travail mais de l'autre, il faut s'adapter en permanence. Par exemple, il y a régulièrement des phases de tests de 3 à 6 mois pour de nouveaux outils qui ne seront pas toujours conservés », constate Béatrice Lepagnol, secrétaire générale adjointe CFDT Banques. « L'instantanéité » a aussi renforcé la pression sur les équipes. « Les clients attendent une réponse immédiate lorsqu'ils envoient un mail ou un SMS. » Béatrice Lepagnol évoque aussi le problème des heures supplémentaires non rémunérées et la difficulté à recruter. « Lorsque les agences sont fermées le lundi, certains salariés passent du temps à répondre aux mails ou à des formations en ligne obligatoires en dehors des heures de travail. »
Un autre grief porte sur l'empilement des réglementations. Neuf salariés sur dix jugent que les contraintes réglementaires ont augmenté, alourdissant considérablement leur charge de travail. « L'impact des contraintes techniques, procédures ou normes de production sur le rythme de travail est le plus élevé depuis 2011 », indique l'étude. Le SNB appelle ainsi à réduire les « contraintes réglementaires inutiles et les charges administratives ». Selon le bilan publié fin 2024 par l'Association française des banques (AFB), c'est-à-dire toutes les banques qui ne sont pas mutualistes, les formations réglementaires ont représenté 2,2 millions d'heures en 2023 (+15 % par rapport à 2022).
Le mal-être des salariés est souvent plus profond. 40 % des salariés ont parfois peur au travail et plus de la moitié sont confrontés à des tensions avec les clients ou des personnes en situation de détresse. Les salariés en « front office » (aux guichets) ou dans les centres d'appels restent les plus exposés à ce type de stress au moment où la pression s'accentue sur les fermetures d'agences.
La baisse du pouvoir d'achat et le fléau des incivilités expliquent en partie ce constat. « Les banques ont toutes mis en place des mesures et des accords de qualité de vie au travail. Elles mènent une politique globale à l'égard de leurs salariés pour que ceux-ci puissent travailler dans les meilleures conditions possibles », se défend la FBF.
« La sécurité du personnel est une priorité pour la profession. Elle fait l'objet d'un suivi annuel avec les organisations syndicales. Deux ans après la signature d'un nouvel accord sur la sécurité dans les agences bancaires, la branche de la banque a complété le dispositif avec un nouvel accord sur la prévention des incivilités, qui inclut notamment le sujet des violences numériques et via les réseaux sociaux », ajoute le porte-voix du secteur.
Réorganisations et rigueur salariale plombent le moral à la Société Générale
Si le phénomène des incivilités reste stable en 2023 (moins de 3 % de salariés concernés), dans un contexte économique tendu, les banques poursuivent leur vigilance. « Les incivilités sont devenues courantes. Souvent les salariés des banques s'y sont habitués et ne les déclarent plus », observe de son côté Béatrice Lepagnol. « Nous les encourageons à se manifester ».
Pour s'éloigner de mauvaises conditions de travail en présentiel, un répondant sur deux souhaite télétravailler, selon l'étude. Les salariés de BNP Paribas et de la Société Générale semblent avoir un meilleur accès au télétravail et au flex office (bureaux non attribués). Ils sont aussi surreprésentés parmi les répondants qui évoluent dans des espaces ouverts comptant plus de 15 personnes. Parmi les quelques points positifs de l'enquête, le grief du manque d'autonomie et de marges de manoeuvre est en léger recul par rapport à 2021.
Article des échos février 2025
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