COMMENT GAGNER DES MILLIONS EN PERDANT DES MILLIARDS
Publié le 19 Mai 2010
PAS de manifestation de femmes à barbe aujourd'hui à l'assemblée générale du Crédit Agricole SA (CASA), mais une belle séance de règlements de compte entre les salariés actionnaires de Casa et René Carron, le président sortant après huit ans d'exercice. Déjà dès 10 heures du matin une cohorte de syndicalistes avait tenté en vain, d'envahir le grand amphithéâtre du palais des Congrès à Paris. Bloqués par le service d'ordre, ils ont dû replier bagage. Mais sans trop de regrets puisqu'ils savaient déjà que dans la salle, leurs griefs allaient être relayés. Ce qui n'a pas manqué de se produire dès l'ouverture de la séance questions réponses.
Quand même, comme toujours, la première salve est venue de Louis Bulidon, le petit actionnaire individuel poil à gratter de la plus part des P-DG : sous représentation des actionnaires
représentant 44% du flottant au conseil d'administration, impact des pertes sur le cours de Bourse, montant des indemnités de départ des dirigeants sortant, résultats (ou pertes) venant du
trading sur fonds propre : d'entrée de jeu, René Carron et Jean-Paul Chifflet ont eu droit à l'artillerie lourde. L'ambiance s'est tendue un peu plus lorsque quelques minutes plus tard, c'est un
salarié qui a insisté sur "la nécéssité de reconstruire la banque en revenant aux valeurs fondamentales du groupe". Une flèche très mal encaissée par le président sortant : "Qu'on ait fait des
erreurs, sans doute, mais j'ai été le seul président de banque à présenter mes excuses. Ne dramatisons pas les choses. De grâce, n'exagérons pas..."
De plus en plus remontés, les intervenants remontent à l'assaut : les retraites chapeau des dirigeants et mandataires sociaux, les rémunérations variables du prédécesseur de Jean-Paul Chifflet,
Georges Pauget, la hausse de 10% des jetons de présence : alors que les salariés n'ont eu droit qu'à 0,5% d'augmentation l'an dernier..
La colère gronde. "Comment gagner des millions en perdant des milliards" conclut une salariée actionnaire. Debout, Louis Bulidon applaudit à tout rompre. A la tribune René Carron garde cette fois son calme. Ecoute. Avait-il mesuré l'ampleur du malaise des troupes ? Visiblement non. Dans la salle, quelques actionnaires s'impatientent : "Ils ont quand même d'autres endroits pour s'exprimer. Pour nous c'est le seul jour de l'année où nous pouvons poser des questions, ils ne devraient pas monopoliser ainsi la parole", regrette l'un d'entre eux qui interroge ensuite Jean-Paul Chifflet sur l'exposition au risque grec : "Nous avons 23,5 milliards d'euros d'encours de crédit aux particuliers et aux entreprises, soit 3% des 800 milliards d'encours, auxquels s'ajoutent 2,5 milliards sur le financement de shipping , 850 millions d'obligations grecques et 150 millions sur le marché interbancaire", répond ce dernier.
14h Toutes les résolutions proposées par le conseil ont été votées. L'assemblée générale s'achève sur un petit film rendant hommage, quand même, à René Carron. Mais cette fois, l'ambiance n'a pas
été à l'autocongrulation.
Par Sylvie Hattemer-Lefevre, journalistes à Challenges, mercredi 19 mai 2010 link